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Le Focusing dans la globalité du corps (WBF) - Être dans la présence enracinée

Par Kevin McEvenue
Publié dans le bulletin de nouvelles de l'Institut de Focusing In Focus Mars 2013

Translated by Marine de Freminville

L’invitation à écrire cet article est un bon exemple de ce qu’est pour moi être en présence enracinée. Je ne sais pas pourquoi, mais quand j’ai lu cette invitation, mon corps s’est éveillé instantanément. Je me suis senti en vie et présent au plus profond de moi. C’était comme si je ressentais que la personne qui m’invitait le faisait à partir de ce même espace central et sans doute est-ce pour cela que j’ai pu être en contact avec moi-même de façon si immédiate.

Mon expérience était comme tridimensionnelle. Je la ressentais comme spacieuse. Je me suis senti comme « plus conscient de moi » et en même temps vu et entendu au point de sentir que la personne (que je n’avais jamais rencontrée) savait quelque chose concernant ce à quoi elle m’invitait et je pouvais m’y relier. J’étais inondé d’informations sur le sujet et  je savais que je voulais y répondre et comment le faire.

Cependant une partie de ce qui était demandé m’a amener à « penser ». On me demandait d’inclure des histoires pour illustrer comment une personne peut être à la fois avec elle-même et avec quelque chose de différent lorsqu’elle est en présence enracinée. Je me suis senti bloqué. J’ai essayé de penser à des situations où je me suis trouvé moi-même ou vécues par d’autres personnes en présence enracinée mais rien ne venait. Je me sentais détaché et je me suis remis en contact avec comment je me sentais auparavant.

Soudain j’ai vécu une expérience de contact avec moi-même vraiment nouvelle et l’information affluait au fur et à mesure que s’intensifiait ma présence au cœur de moi-même et les mots suivants sont venus : « C’est cela être en présence enracinée. C’est une expérience de soi au-delà des mots »!

Quand j’ai essayé de ‘penser’, j’ai perdu le sens de moi-même. Je suis comme allé ailleurs. Quand je suis revenu à la présence enracinée, il m’a semblé être largement conscient de moi-même et en même temps capable d’avoir un sens de l’autre, distinct de moi et de ressentir qu’il y avait en moi un grand espace pour accueillir nos différences. Voici donc les mots qui sont venus exprimer ce que représentait cette expérience pour moi dans cette situation.

Nous pouvons voir à partir de cette expérience que le Focusing dans la globalité du corps nous donne une structure pour être en contact avec une forte présence enracinée en lien avec quelque chose d’extérieur à nous, que ce soit un défi personnel ou une relation avec quelqu’un.  Selon la terminologie du Focusing dans la globalité du corps (WBF), c’est cela être en présence enracinée. Cela accroît le sens corporel de moi-même.

Quand je me sens enraciné et centré, je fais l’expérience d’un sens de moi qui est plus grand que moi. Il existe alors une dimension que je peux qualifier de ‘plus que moi’ qui se présente comme une ressource me permettant d’être avec une situation qui peut être ressentie comme un défi. Je ressens également une sorte de vivacité qui n’est pas là d’habitude, tout du moins consciemment. Quand je me sens vivant dans la situation, ce qui se déploie se fait sans effort. La présence enracinée semble m’offrir une sagesse me permettant d’être avec la situation et d’en découvrir des éléments nouveaux au-delà de ce que je pensais savoir.

Si c’est la partie de moi bloquée qui émerge, je peux l’aborder et établir une relation entre moi et la vie au sein même de cette partie bloquée qui sait comment être plus qu’elle-même. Voici un exemple d’une situation familière au plan physique. S’il y a quelque chose dans mon genou qui ne va pas, je peux inviter mon genou à explorer sa propre expérience en tant que genou fonctionnant bien.  Quand je l’aborde comme ceci, il semble instinctivement se mettre en état d’exploration, en entrant en relation avec toute la jambe et le corps dans son ensemble. Il semble avoir besoin de ce sens d’un soi plus grand pour se connaître lui-même.

Quand il s’agit d’une personne, je peux inviter mon corps à établir une connexion entre nous de façon à savoir comment être avec vous. Quand j’ai un sens fort de ‘moi ici’, je peux faire de la place pour vous qui êtes là et être en relation avec vous d’une façon différente de celle que j’ai d’habitude. En ressentant cette connexion avec vous, en la laissant être là; quelque chose en moi sait comment être avec vous, comment être avec moi et sait aussi quoi dire ou quoi faire avec vous d’une façon que je ne pourrais pas savoir avant de ressentir cette connexion.

En me référant à ma propre expérience je dis : « Je ne sais pas comment être avec vous jusqu’à ce que je ressente une connexion avec vous. Quand je ressens ce lien, en me tenant dans ma propre présence enracinée, soutenu par la vie autour de moi, la façon d’être avec vous émerge. C’est comme si quelque chose en moi sait comment être avec vous d’une façon que je ne connais pas »!

J’ai remarqué que la façon qu’ont les gens de vivre change radicalement au fur et à mesure qu’ils développent un sens de plus en plus grand de présence enracinée dans leur vie quotidienne. On dirait que la vie de chacun change lorsqu’ils ressentent de plus en plus cette présence et vivent à partir de leur propre centre de gravité. Cette attraction de la présence gravitationnelle est si différente de toute autre  forme d’attraction, de ces autres attirances puissantes qui peuvent être intenses et très exigeantes comme si elles étaient les centres essentiels auxquels on devait porter attention ou vivre en fonction d’elles.

Comme quelqu’un l’a exprimé, ces « faux » centres nous éloignent de notre centre véritable et sont ressentis comme exigeants, tendus et porteurs d’anxiété. Un vrai centre de gravité est ressenti comme ouvert, représentant un soutien pour qui nous sommes et accompagné d’un sentiment de savoir qui n’a pas besoin de défense. Les mots  qui viennent pour exprimer clairement cette expression de l’expérience  portée par le corps ressemblent à quelque chose comme cela : « Je suis, juste je suis et je le sais ».

J’ai évoqué l’expression « centre de gravité » dans le contexte d’être en présence enracinée. Nous avons grandi avec cette perception-là explicitement ou non. Elle a eu instinctivement un impact sur notre expérience de nous-mêmes à toutes les étapes de notre développement humain, le plus souvent inconsciemment et sans être nommée. Et cependant quand elle est nommée, cela réveille  des souvenirs de cette période de notre vie où nous explorions notre capacité à faire de nouvelles choses en prenant appui sur cet espace en nous où nous nous sentions solidement ancrés en ayant le sentiment de savoir comment être et quoi faire.   

Cela se traduit par une sorte de pause qui vient instinctivement par exemple chez un bambin qui apprend comment marcher puis plus tard comment courir et sauter. Par la suite cela peut se manifester lorsqu‘un skateur ou un surfeur prennent une pause pour parfaire leurs mouvements et maintenir leur équilibre lors de mouvements complexes. Au cours de notre développement, dans le domaine du sport notamment, il nous a été toutefois nécessaire de trouver notre centre de gravité pour être un bon athlète. Nous le faisons instinctivement et l’avons fait dès le début de notre vie. Pourquoi alors ne pas retrouver  consciemment cette présence gravitationnelle pour nous permettre non seulement de savoir comment être et quoi faire instinctivement mais de façon encore plus importante maintenant alors que nous sommes capables de nous donner l’espace et les ressources dont nous avons besoin pour nous engager consciemment dans ce qui semble arriver dans nos vies.   

Pour conclure, je voudrais souligner ce qui est significatif  pour moi dans cette expérience globale d’être en présence enracinée.

Mon propre sens de moi prend vie de façon très réelle et palpable. Je peux sentir ma vitalité souvent à travers ce mouvement ressenti dirigé de l’intérieur. Tout naturellement le corps commence à se réorganiser vers une meilleure façon d’être, plus globale, qui se produit instinctivement quand il y a assez d’espace pour que cela puisse se passer.

J’en suis venu à réaliser que la sagesse qui soutient toute partie ou toute relation provient d’un tout plus grand que celui que je peux imaginer. Le soi en présence enracinée, soutenu par mon centre de gravité est beaucoup plus grand que je ne le pensais.